Faut-il croire à la fin de l'essence et du Diesel en 2040 ?

(Paris, le 12 juillet 2017)

" Je vous annonce la fin de la vente en 2040 en France des voitures à essence et au Diesel ".

En présentant son Plan Climat la semaine dernière, Nicolas Hulot, le ministre de l'Ecologie, a bel et bien marqué les esprits. Si le calendrier est en apparence assez réaliste, il est peu probable -dans les faits- que les moteurs à combustion interne disparaissent. Le ministre de l’Ecologie a ensuite précisé qu’à cette date, les Français ne pourraient acheter que des véhicules électriques et hybrides.

A ce stade, on peut déjà faire remarquer qu’un hybride combine un moteur électrique avec un moteur thermique, qu’il soit essence ou Diesel. Ce qui réduit un peu la portée de l’annonce. Ensuite, le dossier ne dit rien sur les moyens d’arriver à cet objectif. On ne sait pas par exemple si, au-delà d’une prime pour aider les ménages modestes à s’acheter un véhicule plus récent et moins polluant, l’Etat va aider à la migration du parc automobile vers le « zéro émission ». Et quand on sait qu’on ne compte à ce jour que 100 000 voitures électriques dans l’hexagone, sur un parc de plus de 30 millions de voitures particulières, la date de 2040 est très ambitieuse. N’oublions pas que la part du VE au sein des véhicules neufs qu’est que de 1 % à peine.

L’Etat doit-il financer des bornes ? Et si oui, lesquelles ? Le groupe Bolloré n’a pas mis en place les 16 000 points de charge qu’il s’était engagé à implanter. C’était de toute façon des points de charge lente, inadaptés par rapport aux enjeux futurs. Pour que la France adopte massivement la voiture électrique, il faudrait des bornes de recharge rapide en masse. Les bornes à 50 KW refont 80 % du plein en 30 mn sur les modèles actuels. Les Allemands visent même 15 mn, avec des bornes à 350 kW qui seront sans doute coûteuses et qui ne seront pas sans impact sur le réseau.

Si Nicolas Hulot affirme que les constructeurs français ont dans leurs cartons de quoi répondre à la demande pour des véhicules plus écologiques, et que ceux-ci se disent prêts à relever le défi, la réalité est tout autre. Ni PSA, ni Renault n’ont prévu de convertir l’ensemble de leur gamme à l’électrique. Malgré les annonces de certains acteurs (30 modèles 100 % électriques chez Volkswagen), l’électrification sera graduelle. Même Volvo, qui s’est offert un joli coup de pub en annonçant la présence d’un moteur électrique sur chacun de ses modèles à partir de 2019, va continuer à faire de l’essence et du Diesel. Quand on lit le communiqué, on s’aperçoit que la marque a bien 5 modèles 100 % électriques en projet entre 2019 et 2021, mais qu’elle va surtout hybrider toute sa gamme, avec de l’hybride rechargeable et une solution plus abordable en 48 volts. Cette dernière va d’ailleurs faire son apparition chez certains constructeurs (Audi, Mercedes), sachant que le principe est de coupler le moteur thermique avec une machine électrique de 10 kW et une petite batterie au lithium-ion de 48 v. Avec un système plus élaboré que le Stop/Start, et permettant selon la configuration de faire quelques dizaines de mètres en mode électrique au démarrage, la réduction de CO2 sera de 15 % environ. On se contente en fait d’électrifier un peu des moteurs qui, à la base, restent des blocs à essence et Diesel.

D'ailleurs, le groupe PSA a présenté récemment son nouveau BlueHDI 1,5 L de 130 ch. Un moteur qui sera étrenné par la nouvelle 308 et qui se veut particulièrement vertueux, avec une dépollution encore améliorée. Ce moteur va permettre de faire dans certains cas du « free wheeling », autrement dit un mode « roue libre » économisant du carburant. A chaque fois que le conducteur lèvera le pied de l’accélérateur, entre 20 et 130 km/h, le moteur repassera au ralenti en désaccouplant la boîte de vitesses (sur la nouvelle boîte automatique EAT8 à 8 rapports).

En vérité, les constructeurs ne manquent pas d’options. Ils peuvent jouer sur des procédés à la fois mécaniques (taux de compression variable) et thermiques (récupération d’énergie à l’échappement pour convertir la chaleur en électricité), la connectivité (horizon électronique pour anticiper sur les côtés et les feux rouges) et bien entendu les composants électriques (compresseur électrique en guise de turbo).

Pour toutes ces raisons, et parce que la mobilité électrique dépend d’une infrastructure sur laquelle les  industriels de l’automobile n’ont pas de prise, le moteur essence ou Diesel sera encore là en 2040. Et même, bien au-delà. Lors d’un congrès qui a eu lieu en France début juin (Powertrain, organisé par la SIA à Versailles), un responsable de Toyota a déclaré que si la marque visait bien une réduction de 90 % de ses émissions de CO2 en 2050 (par rapport à 2010), il y a aura toujours à cette date des moteurs à combustion interne.