Volkswagen ne veut pas laisser le champ libre à la Silicon Valley

(Paris, le 2 février 2016)

« L'Europe doit prendre le leadership technologique dans les secteurs d'avenir de l'industrie automobile et coopérer avec les décideurs politiques afin de mettre en place les conditions économique et le cadre nécessaires » : Matthias Müller, le président du Directoire de Volkswagen, s’est montré incisif lors d’un récent discours à Bruxelles. Devant de nombreux invités d'honneur et des parlementaires de l'UE, il a plaidé pour un rôle plus actif de la Commission, « en termes d'infrastructures et de cadre législatif adapté ». « Nous ne devons pas laisser cet enjeu à la Silicon Valley », a déclaré Matthias Müller.

Cette allusion vise à ce stade Tesla, dont les ventes deviennent significatives en Europe. La firme d’Elon Musk menace dangereusement les marques Premium, notamment allemandes, avec sa Model S. De plus, Tesla asseoit sa notoriété avec un réseau de superchargeurs qu’il développe en Europe, avec des bornes de 120 kW dont l’accès est gratuit à vie pour les clients.

Et sur ce thème justement, Volkswagen ne souhaite pas que les autorités de Bruxelles restent passives. « L'Europe a désespérément besoin d'un vaste réseau de bornes de recharge rapide de 150 kW, a expliqué Matthias Müller. Une véritable percée pour la mobilité électrique ne sera atteinte que si les politiques, la société et les autorités travaillent ensemble de manière plus étroite. La confiance des clients dans l'électromobilité n’augmentera qu’en présence d’infrastructures visibles et opérationnelles ».

Le choix du standard de 150 kW ne doit rien au hasard. C’est celui qui est également défendu par Audi, la marque s'étant engagée à financer son installation aux Etats-Unis. L’objectif est de récupérer en 30 mn plus de 300 km d’autonomie.

L’électromobilité est un engagement fort du groupe VW. Les marques de l'entreprise vont lancer une vingtaine de modèles électriques ou hybrides rechargeables d'ici à 2020. Cela concerne notamment des modèles sportifs, comme le futur SUV d’Audi en 2018 ou la Porsche dérivée du concept Mission E en 2020. Mais, il y aura aussi une grande berline électrique chez Volkswagen (la future Phaeton) et sans doute un véhicule de loisirs dérivé du concept Budd-e, dévoilé lors du dernier CES de Las Vegas.

Le groupe VW souhaite que les décideurs politiques et l'industrie automobile coopèrent plus étroitement aussi dans le domaine de la transformation digitale. « Les efforts mis en œuvre par notre industrie seule ne suffiront pas. Nous devons travailler ensemble pour faire en sorte que l'Europe reste innovante et compétitive en tant que pôle industriel dans un monde en perpétuelle évolution, a insisté le numéro 1 du groupe. 

Le digital désigne la voiture connectée : un domaine où Apple et Google avancent leurs pions avec une interface qui permet de mieux intégrer les smartphones et les services de localisation qui y sont associés. Ces mêmes entreprises sont aussi créditées d’objectifs ambitieux dans le domaine de la conduite autonome.

Là encore, les industriels européens ont une expertise à faire valoir. Mais, il faut que la législation avance plus vite qu’aux Etats-Unis. Or, l’Union Européenne n’a pas encore pris la parole de façon claire sur ce sujet, alors que plusieurs pays dont la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou encore la Suède entendent jouer un rôle actif.

Au final, ce plaidoyer sert avant tout les intérêts du groupe VW, puis ceux de l’industrie allemande. Mais, ce signal d’alarme a le mérite d’interpeller Bruxelles, à l’heure où l’industrie automobile doit affronter de profondes mutations et une concurrence inattendue.