L'accident de Uber remet-il en cause le robot-taxi?

(Paris, le 28 mars 2018)

Un piéton percuté mortellement par une voiture autonome : c’est l’accident que personne ne souhaitait voir arriver, mais qui risquait de se produire dans cette période-charnière.

Le hasard a voulu que cela tombe sur Uber. Le géant du VTC, qui a été l’un des premiers à saisir l’intérêt du transport à la demande sans chauffeur, a fait beaucoup de communication autour des robots-taxis. Pourtant, des signes avant-coureurs auraient dû inciter à plus de modestie. On se souvient qu’une voiture de test avait grillé un feu rouge à San Francisco, en 2016. Détail aggravant : l’opérateur avait débuté ses tests sans solliciter d’autorisation. Il y a un an, une XC90 équipée par Uber s’était retrouvée sur le flanc, au beau milieu du carrefour, suite à un refus de priorité d’un autre véhicule (mais en étant passé à l’orange). C’était à Tempe (Arizona), là où s’est produit le dernier accident en date. Pour revenir à la collision du 19 mars, les capteurs du véhicule n’ont apparemment rien détecté et la personne derrière le volant – censée reprendre les commandes en cas de problème – était en train de regarder son smartphone, comme le révèle la vidéo.

C’est donc plus le procès d’Uber et de ses méthodes (le géant du VTC a été opposé à Waymo, la filiale de Google, pour avoir débauché un ingénieur parti avec des secrets industriels) qu’il convient de faire, plutôt que de condamner a priori le véhicule autonome.

D’ailleurs, à part Toyota qui a souhaité retirer temporairement ses véhicules de test sur route ouverte aux Etats-Unis, pour des raisons psychologiques et liées aux chauffeurs, aucun acteur n’a annoncé l’arrêt de ses travaux. Le robot-taxi intéresse à ce jour tout un écosystème, au sein duquel on retrouve des constructeurs automobiles (Ford, GM, Daimler, PSA, Renault-Nissan, Volkswagen), des équipementiers (Aptiv, Bosch, Continental, Valeo), des opérateurs de mobilité (Didi Chuxing, Lyft, Transdev), ainsi que de nouveaux venus aux profils très divers (Apple, Waymo).

L’enjeu est de pouvoir assurer un transport plus flexible, avec des véhicules plus disponibles et pouvant convoyer plusieurs personnes à la fois. Se passer du chauffeur abaisse naturellement le coût de la course et rend les trajets compétitifs. Qu’il prenne la forme d’une voiture particulière, ou celle d’une navette collective, le robot-taxi est aussi bien perçu par les grandes villes, car il est susceptible de faire renoncer les habitants à leur voiture personnelle pour se déplacer. Lors des débats citoyens organisés fin janvier par un cabinet conseil dans 5 villes de France, 44 % des participants s’étaient déclarés prêts à sauter le pas si une telle alternative se présentait.

Mais, c’était avant l’accident d’Uber. Il ne faut pas sous-estimer le facteur psychologique et la peur qui peut s’amplifier face à des machines qui ne seraient pas infaillibles. On se souvient de l’incident avec Navya, dont la navette n’a pas reculé, ni klaxonné quand un camion lui est rentré dedans lors d’une marche arrière à Las Vegas. Cet incident semble ne pas avoir eu de conséquence sur la réputation de la start-up. Mais, il ne faudrait pas que son Autonom Cab soit pris en faute, lors de l’expérimentation qui aura lieu en France.

Ce drame avec Uber aura peut-être le mérite de mettre fin à une surenchère, alimentée par des acteurs qui s’invectivent. La meilleure réponse est de continuer les tests et de partager les résultats. C’est ce que fait Waymo, qui publie un bilan mensuel. Il faut rester prudent et accompagner ces expérimentations.

En France, Renault doit commencer en avril un test avec des ZOE autonomes, qui  joueront le rôle de robots-taxis.  Cette grande première en Europe s'inscrit dans le cadre du partenariat entre Transdev et Renault-Nissan, visant à expérimenter des voitures électriques autonomes, en complément des transports en commun. Le service sera mis en place au sein de la Technopole du Madrillet, à Saint-Etienne-du-Rouvray, où se trouvent 5 000 étudiants et 2 500 salariés répartis sur 35 hectares. Les 3 ZOE autonomes circuleront sur route ouverte. Elles partageront la voirie avec les autres voitures, les bus du réseau de transport urbain, et franchiront plusieurs passages piétons et ronds-points. Pour garantir la sécurité et la fluidité du service, une infrastructure connectée sera mise en place. Ce projet reflète l’ambition de la Normandie qui souhaite devenir un territoire pilote en matière de mobilité autonome.

Mis en avant, dans le cadre du plan de l’alliance Renault-Nissan qui va jusqu’en 2022, le robot-taxi ne sera peut-être pas prêt à cette échéance, mais plutôt en 2025, voire 2030. Il vaut mieux prendre un peu plus de temps et bénéficier d’une plus grande adhésion de la part des usagers potentiels.