Borne rapide izivia

Cinq constats sur les bornes de recharge en France

Energies 19 Février 2021

(Paris, le 19 février 2021)

Dans le cadre de France Relance, une enveloppe de 100 millions d’euros va être consacrée au cofinancement de l’installation de bornes de recharge rapide. C'est bien, mais cela ne suffira pas pour répondre à l’accroissement du parc. Or, c'est la condition sine qua non pour réussir de façon durable l'électrification du parc automobile français.

Avec cette enveloppe, toutes les aires de service du réseau autoroutier concédé seront équipées de stations de recharge pour véhicules électriques d’ici au 1er janvier 2023. Ces stations, qui comporteront au minimum 4 points de recharge rapide, auront une puissance de 150 kW et pourront assurer une recharge en moins de 20 minutes des véhicules de dernière génération. Les bornes seront cofinancées à hauteur de 10 % à 30 % des coûts d’installation suivant le type de station, ce taux pouvant être porté à 40 % dans certaines situations spécifiques. Ces aides sont par ailleurs cumulables avec la prise en charge à hauteur de 75% des coûts de raccordement au réseau mise en place par la LOM (loi d’Orientation des Mobilités).

C’est une avancée significative, sauf que cette annonce solde avant tout un fiasco. Il faut en effet se souvenir que, dans le cadre du projet Corri-Door, 200 bornes rapides avaient été installées sur les autoroutes par EDF. Or, 90 % d’entre elles ont été arrêtées définitivement début 2020, en raison de problèmes de sécurité. Ces derniers temps, il devenait compliqué de traverser toute la France en voiture électrique, à moins de rouler en Tesla ou d’avoir du temps devant soi ! Au moins, les autoroutes seront mieux équipées (plus de 400 aires sur les autoroutes concédées et non concédées) et avec du matériel aux normes.

Le privé se mobilise pour les bornes rapides

Ce réseau rapide viendra compléter d’autres initiatives privées. On pense en premier lieu à Tesla, dont le réseau de superchargeurs (à usage unique des clients de la marque) est constitué de 86 stations et de 741 points de charge à travers l’Hexagone. Les bornes autorisent jusqu’à 250 kW de puissance. L’autre réseau en construction est celui de Ionity, un consortium qui regroupe Audi, BMW, Daimler, Porsche, VW, Hyundai-Kia et Ford. Il a presque atteint son objectif de 400 bornes ultra rapides en Europe, puisque 335 ont déjà été installées – dont une cinquantaine en France - et avec à chaque fois 6 points de charge, dotés d'une puissance allant jusqu’à 350 kW. Par ailleurs, les pétroliers se mobilisent. Total (qui va bientôt se rebaptiser Total Energies) a pris l’engagement d’installer des bornes sur son réseau tous les 150 km. Et Shell, qui accélère aussi sa transition énergétique, vient d'annoncer son intention d'installer 500 000 bornes d’ici 2025 dans le monde.

L’objectif de 100 000 bornes fin 2021 ne sera sans doute pas tenu

Tout cela est très bien, mais on voit mal comment la France pourrait tenir son objectif de proposer 100 000 bornes en accès public à la fin 2021. Elle n’en compte qu’à peine plus de 30 000 aujourd’hui (31 206 pour être précis selon le dernier pointage de l’Avere France rendu public le 18 février 2021)… Dans une récente étude, le cabinet EY rappelle que dix ans ont été nécessaires à la France pour atteindre les 25 000 bornes et que le rythme moyen de création de nouvelles bornes a été de 5 000 par an au cours des cinq dernières années. La barre des 100 000 bornes devrait vraisemblablement être plutôt atteinte vers 2024 ou 2025. Dans le cadre du contrat de filière avec l’Etat, l’industrie automobile avait pris de son côté l’engagement de porter la part des véhicules électrifiés à 1 million d'unités. Actuellement, on dénombre plus de 345 000 véhicules électriques mis en circulation depuis 2010 et 140 000 hybrides rechargeables. Les constructeurs ont donc mieux rempli leur part du contrat jusqu’à présent.

L’Europe ne fait pas beaucoup mieux

En comparaison, les autres pays européens ne font pas beaucoup mieux. Certes, le nombre de bornes publiques a progressé de 58 % en Europe sur les trois dernières années. Mais, il y en a à peine plus de 200 000 et les deux tiers sont concentrés dans trois pays : les Pays-Bas, la France et l’Allemagne. C’est la raison pour laquelle l‘Acea (Association des constructeurs européens d’automobiles), T&E (Transport & Environnement, qui regroupe des ONG environnementales) et BEUC (qui défend les consommateurs à Bruxelles) sont tous trois signataires d’un courrier adressé aux commissaires européens concernés (Green Deal, Transport, Marché intérieur, Energie) pour mettre en place des objectifs contraignants en matière d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques en Europe. L’objectif est d’atteindre 1 million de bornes en 2024 et 3 millions en 2029. Eureletric, qui regroupe des acteurs européens de l’électricité, et le cabinet EY ont calculé que, pour passer de 250 000 à 3 millions de bornes, il faudrait investir au total 80 milliards d’euros.

L’état des bornes laisse à désirer

Et il faut composer aussi avec un parc hétérogène et dont l’état est parfois défaillant. Selon une étude de l’Afirev (Association française pour l’itinérance de la recharge électrique des véhicules) près de 10 % des bornes étaient indisponible plus de 7 jours consécutifs entre mai et octobre 2020. C’est le résultat d’une enquête OpinionWay, de l'écoute de réseaux sociaux et d'entretiens avec deux associations d'utilisateurs. Autres enseignements de cette enquête : 85 % des utilisateurs de ces réseaux disent avoir rencontré une borne en panne et 83 % des utilisateurs ont été confrontés au moins une fois à un défaut de recharge. Pour autant, les utilisateurs expriment à 80 % leur satisfaction globale du service de recharge publique actuelle et 96 % restent acquis au passage à l'électrique. Ils apprécient des aspects essentiels comme la cartographie sur téléphone portable ou la facilité d'usage des bornes.

Un système encore mal organisé

Aujourd’hui, on dénombre plus de trente acteurs sur le marché français des bornes de recharge de véhicules électriques selon EY. Il y a à la fois les fabricants de bornes, les distributeurs, les installateurs et les opérateurs, sachant que des fournisseurs d’énergie comme EDF, Engie et Total sont aussi installateurs. Et il y a en prime les opérateurs de services de mobilité qui proposent la localisation, l’accès aux bornes et la facturation. Dans ce maquis, il est parfois difficile de s’y retrouver. Fort heureusement, le Protocole OCPP en Europe permet d’harmoniser l'emplacement des bornes de charge, l’information de leur disponibilité en temps réel et l'affichage des prix, la réservation des bornes de charge, l'accès à la borne et le paiement de la recharge via smartphone, ainsi que son démarrage et son arrêt à distance.  En tout cas, heureusement que l’Etat peut se reposer sur les collectivités territoriales (communes, communautés d’agglomération, départements). Ce sont elles, à 70 %, qui font installer des bornes de recharge publiques en France.

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