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(Paris, le 17 avril 2020)

Pour prendre des parts de marché en Chine, Renault a décidé de faire l’impasse sur le moteur thermique. Pour sa part, Volkswagen entend devenir le leader mondial de l’électrique et semble vouloir en faire son activité principale. A l’heure d’un bouleversement économique mondial sans précédent lié à la pandémie du Covid-19, est-ce la bonne option ou un pari osé ?

Alors que le premier marché automobile au monde est encore bloqué, Renault vient en effet d’annoncer sa nouvelle stratégie pour la Chine. Elle s’appuiera désormais sur deux principaux piliers : les véhicules électriques (VE) et les véhicules utilitaires (VUL). La marque au losange ne va pas complètement arrêter le thermique en Chine, car elle va coopérer avec Nissan pour fournir des moteurs de nouvelle génération à son associé DongFeng. Néanmoins, la suite sera surtout électrique. Avec 860 000 véhicules électriques vendus en 2019, la Chine est de loin le plus grand marché de ce type au monde. On estime d’ailleurs que les ventes de VE devraient y atteindre 25 % de parts de marché d'ici à 2030.

Le groupe français, qui a vendu près de 270 000 VE dans le monde depuis 2011, entend faire valoir son expertise en la matière. Il est vrai qu’il y a fait un lancement réussi de la Renault City K-ZE, une version électrique de la Kwid (un petit SUV lancé d’abord en Inde). Elle est vendue en Chine à moins de 8 000 €. L’objectif est d’ailleurs de faire de la K-ZE une voiture mondiale sous l’impulsion d’eGT (une structure réunissant Renault, Nissan et DongFeng). Un dérivé basé sur le concept « Spring » sera commercialisé en Europe à partir de 2021 sous la marque Dacia. L’électrique low-cost semble donc être la stratégie pour prendre des parts de marché. A noter que Renault est aussi présent dans l’électrique en Chine via JMEV (Jiangling Motors Corporation Group), un acteur local qui s’est lancé en 2015 sur le segment des VE et qui vise 45 % du marché en 2022 avec quatre modèles principaux. Pour les utilitaires, qui seront aussi électriques (mais peut-être pas que), le constructeur français s’appuiera sur la marque Jinbei (groupe Brillance).

On l’a bien compris, Renault fait le pari que les Chinois rouleront surtout en véhicule électrique demain et qu’il dispose de la technologie et d’une expérience pour faire des volumes. Ce sera peut-être un atout dans un pays qui compte plus de 140 marques domestiques avec des groupes allemands et japonais solidement implantés, et qui a finalement prolongé jusqu’en 2022 les aides à l’achat, après avoir annoncé leurs arrêt. Pour l’Europe, la marque au losange ne peut se permettre une stratégie aussi risquée. Même si le plan pour 2022 (défini en 2017 par  Carlos Ghosn) fixe l’objectif de 8 véhicules électriques et 12 modèles électrifiés, avec une gamme complète de VU électriques (à batterie et à hydrogène). On attend de voir ce que va décider le nouveau Directeur Général de Renault, Luca di Meo.

Le tout électrique semble aussi à l’ordre du jour chez Volkswagen. Le groupe allemand, qui souhaite tourner la page du Dieselgate (malgré de nombreuses procédures encore en cours), y met constamment l’accent dans sa communication. Il faut dire que les investissements sont énormes. VW va investir 33 milliards  et prévoit de vendre 1 million de VE par an à partir de 2025. A la fin de la décennie, il n’y aura pas moins de 75 modèles « zéro émission » au sein du groupe. Ces véhicules reposeront sur la plateforme modulaire MEB. De plus, le groupe se donne les moyens de contrôler toute la chaîne, depuis les batteries jusqu’à l’infrastructure de charge (développement de robots dans les parkings pour faciliter la charge, bornes de charge flexibles avec batterie-tampon, investissement dans le réseau Ionity via Audi, Porsche et VW). Vu l’énergie et les moyens développés (avec la transformation en cours de certaines usines), i y a intérêt à ce que ça marche.

A ce jour, si l’on excepte bien sûr un « pure-player » comme Tesla, il n’existe pas d’autres initiatives à une telle échelle. La mobilité électrique sera l’un des éléments de notre vie future. Elle est encouragée par l’Europe et un certain nombre de gouvernements. Mais la pandémie actuelle de coronavirus, et dont les conséquences économiques seront très élevées, risque peut-être de peser sur notre façon de nous déplacer pour la vie « d’après ». Pour leur part, certains industriels réclament de Bruxelles plus de mansuétude pour l’application des règles en matière de CO2, en raison de la crise justement.

La sortie de confinement accélèrera-t-elle (ou pas) l’envie de préserver l’environnement ? Les avis en la matière sont mitigés, comme l’explique un article des Echos du 16 avril (1).  Selon une étude du cabinet Wood Mackenzie, citée par le quotidien économique, les ventes de véhicules 100 % électriques et hybrides rechargeables pourraient chuter de 43 % cette année, à 1,3 million d’unités dans le monde. « La crise du coronavirus, les reports potentiels d'achats de flottes par entreprises liés à la chute du prix du pétrole, et l'attentisme observé sur l'acquisition de nouveaux modèles ont contribué à cette prévision », indiquent les experts de Wood MacKenzie.

(1) "Coronavirus: menaces sur les ventes de voitures électriques", Anne Feitz. Les Echos (16/04/20).