(Paris, le 1er avril 2021)
Alors que les normes se resserrent et que politiques et associations réclament la fin du moteur à combustion, certains industriels font de la résistance. Ils estiment qu’on peut encore dépolluer et réduire les émissions de CO2 avant de passer à l’électrique. Mais force est de reconnaître qu'ils ne sont plus très nombreux.
Les temps changent. Outre-Atlantique, deux sénateurs américains ont écrit au nouveau Président Joe Biden pour lui demander de fixer une date pour l’interdiction des moteurs à essence. On sait que le nouveau locataire de la Maison Blanche est favorable aux voitures électriques. En Europe, c’est la Commission qui continue de serrer la vis. Alors que l’effort demandé en matière de CO2 entraîne mécaniquement une électrification à marche forcée, c’est la préparation de la norme Euro 7 qui échauffe les esprits. Le texte serait tellement sévère que les moteurs classiques, essence comme Diesel, auraient bien du mal à l’atteindre.
En Allemagne, le moteur reste un élément de différenciation et de fierté. Alors que des associations viennent d’écrire aux industriels pour leur demander d’y renoncer, ces derniers sont au contraire plusieurs à plaider sa cause. Lors du sommet avec la chancelière Merkel, qui portait justement sur l’industrie automobile, les acteurs de la filière ont fait valoir leur point de vue. Pour l’Automobile Club allemand, l’ADAC, « l’interdiction pure et simple du moteur à combustion interne étouffe les innovations dans les moteurs à essence et diesel, qui ont encore du potentiel ». « Le problème n’est pas le moteur à combustion, mais le carburant », estime pour sa part le VDA (Fédération de l’industrie automobile allemande), par la voix de sa Présidente, Hildegard Müller. « Au lieu d’une interdiction, nous avons besoin d’innovations et d’investissements dans les carburants synthétiques et la pile à combustible », a-t-elle indiqué.
Le problème est que les constructeurs allemands ne sont pas tous sur la même longueur d’onde. Ainsi, Volkswagen n’a pas l’intention de développer de nouveaux moteurs thermiques. Le président de la marque, Ralf Brandstaetter, a fait savoir qu’il préfère se concentrer sur la batterie. VW va continuer à développer les moteurs actuellement utilisés et les préparer à de nouvelles normes d’émissions telles que l’Euro-7. « Nous en avons encore besoin pour un certain temps, et ils doivent être aussi efficaces que possible », a-t-il indiqué, ajoutant que la marque aura besoin de l’argent qu’elle gagne en vendant des véhicules à moteur thermique pour financer sa percée dans l’électrique. Et comme par hasard, Audi tient les mêmes propos.
A bien regarder, les grands constructeurs n’ont plus tellement envie d’investir dans les moteurs à combustion. General Motors a par exemple fait savoir qu’il ne proposerait plus que des véhicules 100 % électriques à compter de 2035. Ford fera de même en Europe dès 2030. BMW a de même annoncé la fin des moteurs thermiques pour sa marque Mini en 2030, tout en doublant les prévisions de ventes de voitures à batterie du groupe à cette échéance. La nouveauté vient du fait que de tels acteurs prennent un virage aussi radical, alors que ces annonces venaient plutôt jusqu’à présent de petits constructeurs, comme Volvo ou plus récemment Jaguar Land Rover.
Chez les Français, l’ex-patron de Peugeot, Jean-Philippe Imparato (il est parti depuis diriger Alfa Roméo au sein du groupe Stellantis), avait laissé entendre il y a quelques mois que la fin du moteur thermique était prévisible d’ici 2030. Mais, il parlait du moteur non hybride. Or, les constructeurs sont en train de généraliser l’hybridation, qu’elle soit rechargeable ou non (48 volts et hybridation classique). Par contre, le Diesel s’arrêtera avant. Son "arrêt de mort" est signé pour 2025 au sein de la marque au lion.
Les derniers partisans du moteur à combustion parient sur les carburants synthétiques, qui peuvent être produits à partir de l’hydrogène et de CO2. D’aucuns pensent même que l’hydrogène pourrait servir de carburant dans un moteur à combustion interne. C’est une solution sur laquelle travaille en France l’IFPEN. « La motorisation hydrogène peut afficher également un coût très compétitif car la technologie est mature et les investissements de production limités. Par ailleurs, elle ne nécessite pas l’utilisation d’un hydrogène de grande pureté, facilitant ainsi la distribution du carburant », explique l’institut de recherche. Mais ce ne sera pas forcément pour l’automobile. « Le déploiement du moteur thermique hydrogène contribuera à accélérer la transition énergétique dans les transports pour certains types d’usages, en particulier pour le poids lourd long routier », avance l’IFPEN.