Renault-PSA: quelles trajectoires?

(Paris, le 10 Juin 2020)

La présentation d’un plan d’économies chez Renault, qui intervient au moment où le constructeur se voit accorder un prêt par l’Etat, montre une fragilité qui contraste avec la situation de PSA. Comment expliquer ces différences ?

La mauvaise passe de Renault, et globalement d’ailleurs de l’Alliance (Nissan ne va pas fort non plus), peut intriguer alors que le constructeur français se félicitait en 2017 d’occuper le premier rang mondial devant Volkswagen et Toyota. Faut-il y voir un lien avec la crise de management qui a suivi l’arrestation de Carlos Ghosn ? La réponse est clairement non. Les problèmes étaient là avant et sont  la conséquence de choix stratégiques discutables. On peut s’étonner par ailleurs que l’Alliance, qui existe depuis plus de 20 ans, ne se décide que maintenant à standardiser plus ses produits, de la plateforme au véhicule complet.

Il n’y a pas si longtemps, PSA était au bord du gouffre. Après l’échec d’un rapprochement avec General Motors, le groupe brûlait beaucoup de cash. Carlos Tavares est arrivé et a mis en place le plan « Back in the Race ». Avec deux ans d’avance, il a redressé le constructeur. La recette était pourtant simple. Il s’agissait de mieux différencier les marques, viser la rentabilité plutôt que les volumes et faire de l’innovation utile. Les résultats sont arrivés avec des produits au design apprécié et qui ont fait un bond en qualité. Le fait que le patron soit un ingénieur, et qu’il se double d’un pilote (il court le week-end) change effectivement la donne.

En comparaison, Renault a su maintenir la Clio et la Mégane à leur niveau, mais en se montrant moins audacieux. Et la fiscalité liée au CO2 entraîne mécaniquement une baisse des ventes pour l’Espace, la Talisman, le Scenic et bien sûr Alpine. La gamme n’a pas été repensée pour tenir compte des nouveaux enjeux.

Mais, c’est surtout en matière d’électrification que la différence de méthode est flagrante. Jusqu’à présent, Renault et Nissan ont fait bande à part. La Nissan Leaf et la ZOE n’ont rien de commun, même pas les batteries. Et c’est pareil pour le Kangoo et l’e-NV200. La seule exception est la Twingo électrique, qui partage la même plateforme que… la Smart (Daimler est juste associé à l’Alliance).

Pour sa part, PSA a choisi de rationaliser. A partir de sa plateforme CMP, qui est multi-énergies, le groupe a pu constituer une base roulante (avec un moteur électrique de 100 kW et une batterie de 50 kWh) qui a pu donner naissance rapidement à la variante électrique de la Peugeot 208 (puis dans la foulée à la 2008), à la DS3 Crossback E-Tense et à la Corsa-e. Des modèles qui sont entrés très vite dans le top 10 des ventes de voitures électriques en France. Et la même stratégie a été appliquée aux nouveaux utilitaires Expert, Jumpy et Vivaro (sans oublier Toyota, qui bénéficie désormais du Proace électrique).

Dans le domaine de l’hybride rechargeable, PSA est allé aussi plus vite. Toujours à partir d’une plateforme commune et multi-énergies, il a sorti la DS7 e-Tense, les 3008 et 508 chez Peugeot, ainsi que la C5 Aircross chez Citroën. Chez Renault, l’hybride « plug in » n’arrive que maintenant, sur la Mégane et le Captur dotés de la technologie e-Tech. Nissan a une approche différente avec son concept e-Power.

Evidemment, la situation va changer. L’Alliance a tourné la page Carlos Ghosn et va standardiser beaucoup plus les produits. Désormais, selon les régions et le type de véhicule ou de technologie, il y aura un « leader » et des « followers ». Renault sera en charge des petites voitures essence et diesel, des petits SUV, de la connectivité et d'une bonne partie de la technologie électrique, notamment les moteurs pour les petits véhicules. Dans le zéro émission, l’alliance pourrait même se montrer très efficace avec la plateforme CMF-EV (CMF pour Common Module Family et EV pour Electric Vehicles). Elle est spécifique aux véhicules électriques et permettra sur une même base de varier entre le nombre de moteurs (un ou deux) et d'installer des batteries de taille plus importante.

L’épidémie de coronavirus aura finalement servi de déclic pour repartir d’un bon pied.